« La France macère » : le coup de gueule de Nicolas Dufourcq (Bpifrance)

Nicolas Dufourcq

GRAND ENTRETIEN-« La France macère » : c'est, en résumé, le sens du véritable « coup de gueule » que Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d'investissement, décide de partager en exclusivité pour La Tribune. Coup de gueule contre cette France gagnée par la « paresse de l'histoire », une France que le « sens du tragique », la « culture de la responsabilité » et la « sagesse » ont fui. Une France « envahie de certitudes », inconsciente de la valeur et du coût du filet social qui la protège, une France qui confie aux extrêmes du spectre politique le soin de panser ses angoisses. Une France - et donc des Français - « déconnectée du réel », trop gâtée, une France fragilisée par le virus anticapitaliste et punie par l'entrave bureaucratique qui décourage d'entreprendre et d'innover. Le directeur général de Bpifrance livre la radiographie d'une France qu'il voudrait obsédée par « plus » : « plus d'entreprises, plus d'emplois privés, plus d'en

Publié le 06-09-2022 par Denis Lafay

LA TRIBUNE- Votre ouvrage révèle combien l'histoire de l'industrialisation (et, en l'occurrence, sa décrépitude) offre une grille de lecture singulière de l'histoire économique, sociale, politique, éducationnelle, territoriale et bien sûr sociétale de la France. Dans tous ces domaines, la « santé de la France » est-elle aussi moribonde que celle de son industrie ?

NICOLAS DUFOURCQ- Ce livre est une histoire intellectuelle de la France, dans son rapport à l'économie, dans les années 1995-2010. Les générations qui ont été à la manœuvre à l'époque ne sont pas celles des Trente Glorieuses mais plutôt celles de mai 68 et des années Giscard. Elles considèrent les victoires des décennies cinquante et soixante comme des acquis définitifs. Elles sont les premières d'après-guerre à perdre d'une certaine manière le sens du tragique. Or, à perdre ce sens du tragique, à quoi s'expose-t-on ? A estimer, par exemple, que le libre échange ne provoquera jamais de victimes, que l'État-providence est une rente et ne fera jamais faillite, que l'implosion de l'URSS est une spécificité à laquelle aucun autre grand pays ne succombera jamais, etc. Alors on fait sienne une paresse de l'histoire, par la faute de laquelle on se repose sur des certitudes et une confiance aveugle. « La France est riche, ce n'est pas grave, on va y arriver », réagit-on à chaque épreuve. Et alors d'engager la société sur la voie de risques inconsidérés. Voilà les dangers vers lesquels emportent les générations qui n'ont pas

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