« Il faut se révolter contre l’IA générative car elle menace notre humanité » (Eric Sadin, philosophe)

Eric Sadin

ENTRETIEN. Face au constat d’une régulation qui n’est « pas à la hauteur des enjeux » pour nous protéger des dérives des technologies, le philosophe Éric Sadin appelle les citoyens à s’unir pour refuser l’IA générative, perçue comme un « danger civilisationnel ».

Publié le 23-11-2023 par Sylvain Rolland et Philippe Mabille

LA TRIBUNE - Dans votre nouveau livre, La Vie spectrale, vous qualifiez l'irruption de l'IA générative de « séisme planétaire » et de « mutation civilisationnelle ». A ce point ?

ERIC SADIN - Nous avons affaire à une bascule anthropologique. Depuis une quinzaine d'années, l'intelligence artificielle était essentiellement une puissance organisationnelle de pans toujours plus étendus des affaires humaines. Depuis l'arrivée de ChatGPT, il y a un an, un nouveau palier a été franchi, que j'appelle le « tournant intellectuel et créatif des IA ». Il faut prendre la mesure de ce qu'il se passe. En créant elles-mêmes des contenus à partir de simples instructions appelées des « prompts », les IA génératives assurent désormais des tâches qui jusque-là mobilisaient nos facultés intellectuelles et créatives, en maîtrisant le langage et en produisant des images et des sons. Soit des productions symboliques qui nous caractérisent en propre. En cela, il s'agit d'une mutation culturelle et civilisationnelle majeure. Or, elle est présentée sous les oripeaux d'un simple outil de productivité, comme quelque chose de « cool » et d'utile. Sauf qu'au-delà d'un rapport strictement utilitariste à ces technologies, nous ne savons pas envisager l'étendue des conséquences civilisationnelles qui pointent. Saisissons-nous, par exemple, que nos enfants nous diront bientôt : « Pourquoi aller à l'école, apprendre la grammaire, lire des œuvres, si un système produit du texte d'une simple commande de notre par

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